Voltaire historien de la littérature
« Voltaire historien de la littérature »
Journées Voltaire
Paris, Sorbonne Université
11-12 juin 2020
Organisées par Nicholas Cronk et Jean-Alexandre Perras
Appel à communications
En 2001, José-Michel Moureaux remarquait que « l’étude de Voltaire historien est restée jusqu’à ces dernières années le parent pauvre de la recherche voltairienne[1]. » Si plusieurs recherches se sont attachées depuis à combler cette lacune, il reste encore de nombreux aspects à explorer, en particulier en ce qui concerne l’étude de Voltaire historien de la littérature. En effet, les éditions critiques de textes qui mettent en jeu la relation particulière de Voltaire à l’histoire de la littérature, parues récemment dans les Œuvres complètes de Voltaire, révèlent l’intérêt de cette question, que nous proposons de préciser et d’approfondir à l’occasion des Journées Voltaire 2020.
Tout au long de sa carrière, Voltaire s’est employé à construire des « temples » ou à constituer des « catalogues », pour hiérarchiser ou répertorier les gens de lettres et situer le développement des Belles-lettres dans l’histoire politique et sociale. En édifiant ces panthéons qui sont tout autant des lieux de mémoire que des réappropriations de l’Histoire, Voltaire cherche aussi à mesurer ou à imposer sa propre position dans l’histoire de la littérature, tant il est vrai qu’une pareille entreprise n’est jamais neutre pour un homme de lettres. Ainsi, dans ses ouvrages historiques et philosophiques, les Belles-lettres occupent une place fondamentale, qui montre que Voltaire n’est pas seulement un éminent praticien dans ce domaine, mais aussi, à son époque, un de ses principaux historiens.
La manière dont Voltaire concevait la « littérature[2] » est d’ailleurs intimement liée à l’Histoire, dans la mesure où il s’agit d’« une connaissance des ouvrages de goût, une teinture d’histoire, de poésie, d’éloquence, de critique. » À cette définition générale, il ajoutait : « Un homme qui possède les auteurs anciens, qui a comparé leurs traductions et leurs commentaires, a une plus grande littérature que celui qui, avec plus de goût, s’est borné aux bons auteurs de son pays, et qui n’a eu pour précepteur qu’un plaisir facile. » Ainsi, en accord avec la définition classique, la « littérature » dépend-elle davantage d’une érudition active et ouverte que d’un dilettantisme mondain et superficiel.
Plus encore, Voltaire a toujours eu une grande curiosité pour tout ce qui a trait aux Belles-Lettres, intérêt marqué qui, loin de se limiter au seul continent européen, est ouvert au monde. Ainsi, l’histoire de la littérature se pense également pour Voltaire dans le cadre d’une « histoire globale », comme le montre son Essai sur les mœurs. Les connaissances linguistiques de Voltaire (le latin, l’italien, l’anglais) lui permettent ainsi d’avoir un accès privilégié à certains textes, comme la Lusiade de Luís de Camõens, ou à la traduction annotée du Coran par George Sale, qu’il lit tous deux en anglais.
Comme c’est le cas pour l’histoire en général, l’histoire de la littérature se décline chez Voltaire sur un mode critique et polémique. Si les structures hiérarchiques ou les catalogues qu’il a constitués n’ont pas manqué de soulever les passions et les critiques de ses contemporains, c’est aussi souvent par le biais de l’histoire de la littérature que Voltaire adresse ses critiques les plus acérées à l’égard de la Bible, et en particulier l’Ancien Testament, réduit à n’être qu’une fable péchant par son asianisme et son manque de goût. Par ailleurs, si le Grand siècle mérite cet adjectif par l’excellence de ses productions littéraires, la littérature du siècle de Louis XV pâlit en comparaison, elle qui est « inondée de brochures », et où le bon goût est dans son automne et « au temps de la chute des feuilles » (D915). Voltaire n’a d’ailleurs jamais cessé de se comparer à ses prédécesseurs, dans une relation qui fluctue entre l’émulation et la rivalité, comme on peut le lire par exemple dans les préfaces de ses œuvres théâtrales.
La question du rapport qu’entretenait Voltaire à l’histoire de la littérature fournira ainsi l’occasion d’approfondir l’étude de textes, dont certains ont été peu analysés jusqu’à présent : les Lettres philosophiques, le Temple du Goût, l’Essai sur les mœurs (notamment le ‘Chapitre des arts’), Le Siècle de Louis XIV (en particulier le chapitre 32 et le « Catalogue des écrivains »), les Questions sur l’Encyclopédie, les Vies de Molière et de Corneille, ou encore le projet d’édition des « auteurs classiques de France » (D4632, D4763, D4857), sans parler des remarques ponctuelles mais nombreuses dans la correspondance.
Les propositions de communications pourront notamment explorer les pistes suivantes :
• Les usages polémiques de l’histoire de la littérature chez Voltaire ;
• Le rapport de Voltaire aux autres historiens de la littérature, anciens ou modernes ;
• Voltaire et l’histoire de la littérature dans le cadre d’une « histoire globale » ou « mondiale » ;
• Le rôle de la littérature dans la critique de son temps ;
• Voltaire et la Bible, ainsi que les autres fables ;
• Intertextualités chez Voltaire ;
• La présence de Voltaire dans ses histoires de la littérature ; etc.
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Ces propositions de communication, d’une longueur de 300 mots, ainsi qu’une courte bio-bibliographie, pourront être envoyées, avant le 31 janvier 2020, à l’adresse suivante : journeesvoltaire2020@gmail.com.
[1] José-Michel Moureaux, « Voltaire historien : un chantier qui s’ouvre », RHLF, 2001/2, p.227-261.
[2] Voir l’article « Gens de lettres » que Voltaire a écrit pour l’Encyclopédie, de même que l’article « Littérature » (OCV 34), inachevé, qu’il destinait probablement au même ouvrage.