Ballotté entre ce qu'Édouard Glissant appelait « la masse tranquille de la langue », dans laquelle le discours scolaire s'est, semble-t-il, installé, et ce « tourment de langage » que l'on éprouve sans cesse à l'école de la poésie, l'enseignement de la langue française ne sait plus aujourd'hui à quel saint se vouer. Faut-il, comme le prescrivent les instructions dites officielles, le concevoir en serviteur de la « grammaire » - grammaire atemporelle fixée une fois pour toutes, ou bien faut-il au contraire, comme le préconisent d'autres experts, « enseigner les littératures dans le souci de la langue » ? - Louable intention, certes, mais qui, une fois de plus, ne dit rien du souci de la littérature. À ce dilemme s'ajoute la quasi-occultation, dans les programmes comme dans la formation des enseignants, de littératures écrites dans d'autres langues, ou en langue française mais dans diverses parties du monde. La littérature dite « francophone » est pourtant, depuis plus de cinquante ans, la caisse de résonance de « la querelle des babils », ou des « puissances des langues » (Louis Aragon, à propos du Fou d'Elsa). Ce livre collectif, issu d'un colloque qui s'est tenu à l'IUFM d'Aquitaine et à l'université Bordeaux 3 au mois de novembre 2010, se propose d'aborder ces questions, selon trois perspectives que le lecteur pourra croiser à son gré : après un parcours historique de notre imaginaire linguistique national, on se tournera d'abord du côté des écrivains, chez qui les grammaires ne sont pas des idées mais des expériences vitales d'où l'on revient « autre ». On se tournera ensuite du côté de la classe, pour y chercher des raisons d'espérer des jours plus favorables à l'initiation d'une poétique du langage au jour le jour. On ira ensuite voir du côté des traducteurs, sans lesquels nous resterions sourds à l'infini travail d'écoute auquel nous invite le passage des rythmes et des silences entre les mots de la grammaire. Sans prétendre couvrir l'étendue du terrain ni...
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