Dans une perspective d’histoire culturelle, cette thèse, fondée sur une approche iconologique, se propose de mon-trer, à partir de l’exemple de la littérature illustrée, que la culture de guerre enfantine allemande n’apparut pas ex nihilo en 1914. Elle avait ses racines dans la culture mémorielle d ’avant-guerre, centrée sur une glorification des faits d’armes. Issu de la peinture historique, un imaginaire héroïque, qui faisait appel à des réflexes émotionnels, en constituait les fondements. 1914 provoqua une intensification et un épanouissement de la culture de guerre. Alors que les éditeurs commercialisèrent des livres patriotiques au moment où la guerre de position était en place, ces ouvrages continuèrent à véhiculer l’image familière et rassurante d’une guerre de mouvement. À mesure que les hostilités duraient, des dessins kitsch aux motifs enfantins et des caricatures de l’ennemi permirent de justifier le conflit, stylisé en une guerre défensive. Ces strates ludiques de la culture de guerre enfantine, qui provenaient de l’iconographie politique pour adultes, favorisèrent un élargissement du lectorat, auparavant scolaire, aux jeunes enfants. Les auto-images apologétiques l’emportaient toutefois sur la haine et la ridiculisation de l’ennemi. Conjointement aux caricatures, elles renforçaient la communauté nationale et traitaient des liens entre le front et l’arrière, qui devenaient une préoccupation croissante des familles, séparées durablement. Face aux difficultés matérielles, les livres, au ton moralisateur et performatif, cherchèrent à mobiliser matériellement les enfants à l’arrière. Dans ce contexte, des albums furent vendus au profit d’associations patriotiques. D’après les tirages, la littérature patriotique, probablement adressée aux enfants issus des milieux bourgeois, connut un certain succès. ; In a cultural history perspective based on the methods of the “visual turn” this thesis deals with the illustrated children’s literature before and during the First World War and shows that the German ...
|