À y bien réfléchir, la montagne est partout, ne serait-ce que sous la forme d'une éminence, qui a le plus souvent présidé à l'origine des villes. On connaît sa puissance sacrée, le rôle symbolique fondamental qu'elle a toujours joué, et l'on devine à quel point elle constitue l'un des éléments essentiels d'un paysage psychique. Or, des certitudes toutes faites peuvent s'écrouler si l'on analyse de façon pluridisciplinaire la production artistique européenne et japonaise depuis le Moyen Âge. La montagne dont il est le plus souvent question est la plus archaïque, c'est-à-dire généralement celle qu'on n'escalade pas, que l'on gravit tout au plus, que l'on contemple surtout : ce qui est visé ici n'est pas la montagne accessible, fût-ce au péril de sa vie, mais celle, plus difficile à appréhender, que le corps ne saurait vaincre. La puissance du décor montagnard est en effet si grande que la notion même de décor se trouve remise en question, que se produit une sorte d'aplatissement entre ce qui paraîtrait relever du détail et ce que l'on considérerait trop hâtivement comme essentiel. Certes, des montagnes célèbres sont ici examinées, mais l'ouvrage que l'on va lire, lorsqu'on en embrasse l'ensemble des contributions, montre bien que les considérations esthétiques sur le paysage montagnard seront toujours ou presque secondes, la plupart de ces nouveaux discours sur la montagne désignant en effet paradoxalement par les attitudes les plus anciennes, sinon les plus primitives, ce que la montagne n'est pas et voudrait donner à voir. Ce qui conduira à constater alors combien l'écart entre l'Europe et le Japon peut parfois se réduire à l'extrême
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