Poésie, anthropologie/ethnologie, poètes, anthropologues-poètes/poètes-anthropologues : croisements, emprunts, ré/appropriations dans les Amériques et le pourtour du Pacifique (1960-)
Poésie, anthropologie/ethnologie, poètes, anthropologues-poètes/poètes-anthropologues :
croisements, emprunts, ré/appropriations dans les Amériques et le pourtour du Pacifique (1960-)
Organisatrices : Peggy Pacini et Anne-Marie Petitjean (CY Cergy Paris Université, UMR Héritages)
Lieu : Médiathèque du patrimoine et de la photographie (Charenton-le-Pont, France)
Date : 18-19 septembre 2023
Bornage géographique : aire Amérique et pourtour du Pacifique
ornage temporel : des années 1960 à la période actuelle
Ce colloque s’inscrit dans le cadre des recherches de l'axe 2 de l'UMR Héritages (écriture et création / recherche création) et cherche à mettre en perspective différentes pratiques littéraires, notamment dans le champ de la poésie contemporaine en Amérique et dans le pourtour du Pacifique (The Pacific Rim).
L'UMR profite de la venue du poète nisga'a Jordan Abel pour, au regard de son travail (en particulier son premier volume The Place of Scraps) et de ses recherches, recontextualiser le dialogue entre ethnologie/anthropologie et poésie dans la création, la recherche-création, la production et l'édition littéraire et proposer une réflexion collective sur le dialogue qui peut être engagé entre l’écriture de soi et du monde (la poésie), et les représentations culturelles et la compréhension des cultures (l’ethnologie /l’anthropologie).
Nicolas Adell, Vincent Debaene et Amalia Dragani avaient offert un contexte à ce thème « anthropologie et poésie » dans le numéro 21 de Fabula-LhT, numéro centré sur les anthropologues en prise avec le poétique. Ce colloque ne souhaite pas reproduire ce que ce très bon dossier a déjà mis en lumière, mais prolonger la réflexion en proposant de partir de deux angles d’approches : le premier, les poètes en prise avec l’anthropologie ; le second, l'ethnopoésie, la poésie ethnographique, la poésie de terrain, la poésie anthropologique.
En partant des années 1960, de la naissance de l’ethnopoésie (Tedlock, Hymes, Rothenberg) et de l’importance grandissante de la place des mythes et des cultures amérindiennes (Boas, Lévi-Strauss, Benedict, Kroeber) dans la création poétique (origine, formes, modalités, thèmes), ce colloque s’interrogera, d’une part, sur ce retour au primitif et à l’archaïque dans l’émergence d’une poétique de la relation à l’autre, au monde, chez les poètes non-autochtones issus des avant-gardes et de la contreculture, qui déjà dessinait les contours d’une écopoétique. On se penchera, d’autre part, sur le travail de réappropriation de l’histoire, de la langue et de la culture volée ou réduite au silence par la mise en place des stratégies de compositions (expérimentales) qui visent à décoloniser l’espace culturel et littéraire colonisé, chez les poètes autochtones. À ce titre, une attention particulière sera portée au rôle des travaux de l’anthropologie culturelle américaine sur la poésie de la contreculture américaine des années 1960, sur le matériau que constituent les travaux des anthropologues issus de ce courant sur l’écriture contemporaine de soi chez les poètes et écrivains autochtones et non-autochtones.
En outre, la poésie des avant-gardes des XXe et XXIe siècles a été/est traversée par une double volonté : rompre avec une tradition poétique tout en faisant dialoguer la poésie (d’un point de vue structurel, conceptuel et linguistique) avec d’autres traditions culturelles ancestrales (orales et symboliques), et, servir de tremplin à des positionnements politiques, identitaires, environnementaux et sociétaux. Les poètes.ses issu.es des minorités contreculturelles et autochtones du continent américain et du pourtour du Pacifique se sont, à partir des années 1960-1970, ré- ou/et approprié.e.s les cultures amérindiennes/autochtones et tribales afin de repenser les cadres et frontières de la poésie (ethnopoésie, écopoétique, poésie anthropologique, poésie de terrain). Ce grand réveil des cultures tribales, que ce soit au sein des minorités autochtones, ou au sein des avant-gardes et de la contreculture, prend diverses formes, mais place toujours en toile de fond un questionnement sur la place de l’homme dans le monde, sur son rapport au temps, à l’espace, à la nature, à la culture, mais aussi au langage et à l'oralité, le poème devenant alors l’incarnation d’une façon d'être au monde ou le récit d'une contre-histoire (niée, effacée, muséifiée, etc.).
Une attention particulière sera aussi portée à 1) la question de regard (interne, externe et liminaire) des poètes, des anthropologues et des poètes-anthropologues /anthropologues-poètes et comment celui-ci informe leur production ; 2) la question de la traduction, de la transcription, de l'oralité, de l’écriture et de la prise de notes ; 3) la question de textes anthropologiques, ou des méthodes ethnographiques (au discours scientifique) comme réflexion, support, matériau de la création poétique (recherche-création).
Que peut-on encore dire une cinquantaine d'années après le retour des tribus, pour reprendre l'appel du Human be-in de San Francisco (1967) et l'émergence de l'ethnopoésie, du dialogue qui s'opère entre poésie et anthropologie ? quelles formes prend-t-il (écopoétique, poésie anthropologique, poésie de terrain, etc.) ?
Ci-après, une liste non exhaustive des pistes de réflexion qui pourraient être abordées :
- les anthropologues et la disparition, la préservation et la mythification des cultures amérindiennes/indigènes/autochtones
- les cultures autochtones/indigènes/amérindiennes et leur influence sur une poésie écologique
- les mythes occidentaux et autochtones : appropriations, transpositions, emprunts, syncrétismes et détournements dans la poésie contemporaine
- ce que les poètes.ses non issu.es de minorités autochtones/indigènes ont cherché dans les cultures autochtones amérindiennes, ce qu’ils y ont trouvé (mythes, légendes, oralité, symboles, organisation communautaire) et comment cela s’est traduit dans la construction et la structuration d’une poétique qui prend racine dans l’archaïque et le primitif pour élaborer une poétique de la relation au monde (sensible) et à l’autre et pour trouver d'autres formes d'expression poétiques
- les modes de réappropriation de cultures ancestrales par les poètes.ses issu.es des minorités autochtones : retour, effacement, construction, silence et lacunes
- la place de l’anthropologie, de l’ethnologie et/ou de l’ethnographie dans ces écritures poétiques et, inversement, la place de la poésie pour les anthropologues : poètes-anthropologues / anthropologues-poètes, écrire une poésie anthropologique / ethnographique
- quand les poètes s'emparent des outils des ethnologues, quand les anthropologues sont aussi poètes : le poète comme informateur, la poésie comme véhicule, les notes de terrain, etc.
- éditer et/ou anthologiser la poésie des premières nations : collections, anthologies (défi, contraintes, méthodes)
- état de la recherche sur l’ethnopoésie — ethnopoésie, ses ramifications, ses mutations. Écopoétique, écologie sonore, écologie des relations, anthropologie de la figuration, anthropologie poétique (antropologia poética), etc.
- poésie-anthropologie : emprunt, influence, oralité, penser des schèmes universels et les formes du visible
- comment l'écriture scientifique peut-elle informer le discours poétique ? comment l'écriture poétique s'immisce-t-elle dans le discours scientifique ?
- anthropologie et poésie en recherche-création.
Propositions de communications à envoyer jusqu’au 5 juillet 2023 à Peggy Pacini (CY Cergy Paris Université, France) : peggy.pacini@cyu.fr
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Poetry and anthropology, poets, anthropoets and anthropologists:
crossing, borrowing, influencing, returning home in the Americas and the Pacific Rim (1960s-)
Médiathèque du patrimoine et de la photographie (Charenton-le-Pont, France)
September 18-19, 2023
Organizers : Peggy Pacini & Anne-Marie Petitjean (CY Cergy Paris Université, UMR Héritages)
This conference, organized by members of the research center UMR Héritages, wishes to put in perspective different literary modes of writing, especially in the field of contemporary poetry in the Americas and The Pacific Rim. The work of Nishga poet Jordan Abel, invited at the conference, will help us recontextualize — in the light of his first volume The Place of Scraps (2013) — the dialogue and crossings between poetry and anthropology in creation, research-creation and edition, it will also help us engage in a collective reflection on the possible dialogue between writing the self and the world (poetry) and cultural representations and the understanding of cultures (ethnology/anthropology), offering a perspective on how the contemporary self (in poetry and anthropoetry) reflects on culture, identity and creation. The dialogue between poetry and anthropology is a long ongoing one (Friedrich, 1978; Howes, 2022; Dragani, Adell and Debeane, 2018; Reichel, 2021), which nonetheless seems to be undergoing a mutation or evolution that cannot be isolated from the socio-political and environmental issues raised by globalization.
To address this mutation, the conference starts with the 1960s, a period which not only saw the rise of ethnopoetics (Tedlock, Hymes, Rothenberg), but also the growing place of myths and tribal social organizations and cultures (Boas, Kroeber, Benedict, Mead, Malinowski, Levi-Strauss, etc.) within the framework of a new vision of writing, reading and performing poetry. Consequently, the conference will look into how the primitive and the archaic are used as models in the coming into being of a poetics concerned with sentient beings, one which approaches the Indigenous and First Nations mythology, the ritualistic and the magical as a vehicle to one's awareness of place, one which explores the architecture of consciousness. In this regard, a particular focus will be placed on avant-garde poets and poets from the subculture, who for most of them were already laying the foundations for an ecopoetics, and on how cultural anthropology constituted a first step into reconsidering poetry as a vehicle and the poet as one who "articulates the semi-known for the tribe" (Snyder, 1964).
Moreover, 20th and 21st avant-garde poetry was and is motivated by two often combined stances: 1) breaking loose from a poetry tradition while opening (structurally, conceptually and linguistically) a new dialogic terrain between poetry and other ancestral cultural traditions (in which symbols, myths, the sensorium and orality are constitutional); 2) serving as a springboard to dealing with political, identity, gender, environmental, linguistic or social issues. Poets from the subculture and indigenous communities across the Americas and along the Pacific Rim have since the 1960-70 tried to re- and/or appropriate the essence and lore of indigenous and tribal cultures to reconsider the frameworks and thresholds of poetry (ethnopoetics, ecopoetics, anthropoetry etc.).
A particular attention will be placed on 1) the gaze (internal, external, and liminal) (of the poets, anthropologists, anthropoets) and how it informs the poets/the anthropologists production; 2) translation, transcription, orality, writing, note taking (field notes), etc.; 3) anthropological texts and ethnographic methods (scientific discourse) as reflection, medium, material for poetic creation (research-creation)
Fifty years after the gathering and return of the tribes, to echo the call made at the 1967 San Francisco Human Be-In, and the emergence of ethnopoetics, how has the dialogue between poetry and anthropology evolved, morphed formally and thematically, and taken various denominations in the field of research (ecopoetics, anthropological poetry, anthropoetry, field poetry, research-creation, etc.)?
The following is a non-exhaustive list of topics which could be addressed:
- anthropologists and indigenous cultures: addressing loss, preserving and mythifying
- Indigenous cultures and their influence and imprint on ecopoetics
- Indigenous and Western myths: appropriations, transpositions, borrowings, syncretisms and hijackings in contemporary poetry
- what non-Indigenous poets have searched in Indigenous cultures, what they have found (myths, legends, orality, symbols, communal organization) and how it was translated into building and structuring a poetics rooted in the archaic and the primitive to weave a poetics of relation to confront other poetic forms and media.
- returning home: Indigenous poet journeys to their ancestral cultures (erasure, construction, silences, thresholds, and lacunae)
- the place of anthropology/ethnology/ethnography in poetry and the place of poetry for anthropologists: poets trained in/inspired by anthropology, anthropoets, anthropologists and poets: writing an ethnographic/anthropologic poetry
- when poets borrow anthropologists' tools and methods, when anthropologists write poetry, the poet as informant, poetry as a vehicle, field notes, found poems, etc.
- publishing, editing, anthologizing Indigenous poetry: collections, anthologies (challenges, constraints, methods)
- the state of the art: ethnopoetics and its mutations, ecopoetics, sound ecology, an ecology of relations, figurative anthropology, antropologia poetica, etc.
- poetry and anthropology: borrowings, influence, orality, thinking universal patterns and forms of the visible, experiencing otherness
- how scientific writing informs poetic discourse, how poetry invades scientific discourse
- anthropology and poetry in research-creation
Proposals should be sent to: Peggy Pacini (CY Cergy Paris Université, France) by July 5, 2023: peggy.pacini@cyu.fr