Explorations : dynamiques du déplacement en littérature (Rennes)
« Explorations : dynamiques du déplacement en littérature »
Journée d’étude dans le cadre du festival Transversales 2022
12e édition : « Itinérance »
Vendredi 25 novembre 2022
Dans le cadre de la 12e édition du festival Transversales intitulée « Itinérance », la journée d’étude « Explorations : dynamiques du déplacement en littérature » propose de s’intéresser à la façon dont le motif du déplacement et ses variations sémantiques (mouvement, itinérance, errance, fuite, traversée, migration, marche, mobilité, passage, voyage, déambulation, escapade, pérégrination, périple, etc.) s’exprime en littérature, envisagée dans une perspective transéculaire et sans frontière linguistique.
L’exploration, qui recouvre un imaginaire de la découverte, est à comprendre comme l’« action de parcourir afin de recueillir des informations » : le terme implique l’idée d’un déplacement physique associé à un objectif de savoir. C’est cette dynamique qui nous intéresse, et la façon dont elle s’exprime en littérature : comment l’œuvre littéraire donne-t-elle à lire des mises en mouvement et en quoi celles-ci sont-elles un moyen d’accéder à une forme de compréhension du monde ? De quelle façon cette dynamique reconfigure-t-elle l’écriture ? Afin de proposer une amorce de réponse à ces pistes problématiques, plusieurs angles d’approches sont possibles (ils ne sont pas exhaustifs) :
- Le récit de voyage et ses avatars : on pourra s’interroger sur la façon dont la dynamique d’appréhension du monde par le mouvement trouve à s’exprimer de façon privilégiée dans des récits mettant le voyage au cœur de leur projet. On pourra réfléchir à la façon dont le récit de voyage s’est institué comme genre de la domination (du voyageur vis-à-vis des lieux visités, voire de l’explorateur vis-à-vis des terres « conquises » et « défrichées »), et s’il est possible d’envisager des récits de voyage en dehors de ce prisme.
- Mise en récit du mouvement : quelles sont les modalités, selon les époques et les genres, du récit de voyage réel ou imaginaire, depuis les circumnavigations antiques (on pense bien sûr à L’Odyssée) jusqu’aux grands classiques du genre (comme les ouvrages de Nicolas Bouvier), en passant par les récits picaresques (comme Le Page disgracié de Tristan L’Hermite ou El Buscón de Francisco de Quevedo, pour ne citer qu’eux) et les récits de voyage allégoriques comme The Pilgrim’s Progress de John Bunyan et son influence sur la littérature de langue anglaise. On s’intéressera ainsi aux récits d’explorateurs fictifs ou non (on pense à Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil de Jean de Léry, à Robinson Crusoe de Daniel Defoe, mais aussi aux fictions de Jack London ou à celles de Stevenson). Peut-on discerner dans ces textes des traits dominants et de quelle façon le voyage reconfigure-t-il la notion d’intrigue ? La logique est-elle la même selon que le voyage mis en récit est un périple au long court, ou bien une déambulation de moindre envergure ou durée ?
- Comment caractériser le rapport du récit de voyage à la fictionnalité et à la factualité ? Le récit de voyage favorise-t-il l’une ou l’autre de ces modalités, ou bien encore des formes hybrides à la frontière (qu’il s’agisse d’investir des pérégrinations bien réelles par la fiction, comme dans Seta d’Alessandro Baricco, ou de se raconter et s’inventer par le prisme du voyage, comme dans On the Road de Jack Kerouac) ?
- Plus largement, on pourra se demander de quelle façon le voyage, le déplacement dont il s’agit de rendre compte ou qu’il s’agit de saisir par l’écriture influence la matérialité du livre. On pourra notamment s’interroger sur le chapitrage des récits de voyage (on pense par exemple à Chroniques de l’Occident nomade d’Aude Seigne ou encore à Aller avec la chance d’Iliana Holguin Teodorescu, deux œuvres au chapitrage très présent et jouant un rôle structurant), voire à l’absence de toute structuration interne ; on pourra également explorer des œuvres qui intègrent dans l’objet-livre des illustrations (dessins, photographies) à l’appui du récit (on pense par exemple à The Selected Works of TS Spivet de Reif Larsen), voire des travaux cartographiques (cartes détaillées ou schématisation de l’itinéraire).
- Quelle place tiennent, dans ces récits, l’exploration et ses déclinaisons, depuis le récit d’aventures jusqu’aux formes de nature writing contemporaines dans lesquelles l’explorateur se confronte à la puissance des éléments (on pense par exemple aux œuvres de Sylvain Tesson mais aussi à Croire aux fauves de Nastassja Martin ou même à De Pierre et d’os de Bérengère Cournut) ?
- On sera sensible aux communications proposant d’explorer le champ des fictions (post)apocalyptiques à travers des récits mettant en avant des formes de transhumance (comme dans Après le monde d’Antoinette Rychner, Les Ombres filantes de Christian Guay-Poliquin, The Bear d’Andrew Krivak ou encore Et toujours Les forêts de Sandrine Collette, sans oublier bien sûr The Road de Cormac McCarthy). On pourra par exemple se demander quelle valeur éthique et littéraire est donnée aux déplacements dans ces récits et au sein de cet imaginaire (seule résistance possible à la destruction ?), et en quoi le mouvement s’oppose – ou complète – une forme de statisme compris comme settlement, installation dans un lieu sûr.
- Se pose ainsi dans ces fictions la question de la stase, de l’immobilisme : quelles valeurs ont les arrêts et les pauses dans les récits de voyage ? Comment est mise en scène l’immobilité, voire l’impossibilité de poursuivre, dans les récits de voyage ? Cette stabilité est-elle entendue comme la finalité du périple ou au contraire comme une pause diégétique, voire un moyen de relancer l’intrigue ? Est-elle perçue en termes d’obstacle et de frein, comme l’antinomie du récit d’exploration, ou comme un passage obligé et partie intégrante du voyage ?
- Au-delà du récit et de la fiction, on pourra également se livrer à l’étude d’explorations poétiques du voyage, du déplacement, de la déambulation. Comment les allées et venues du vers permettent-elles de conjuguer exploration langagière, linguistique et cacophonie du monde mouvant ? Comment explore-t-on, lorsque la linéarité du récit est brisée au profit d’éclats de vers, de verres et de voix ? D’Arthur Rimbaud à Pablo Neruda, en passant par Blaise Cendrars ou encore Walt Whitman, les poètes explorateurs de (Sans)Noms[1] et de « route[s] ouverte[s] »[2] abondent. Quelles sont les spécificités du mouvement, du déplacement poétique ? En quoi l’étude des poésies et des poètes de voyage permet-elle de reconsidérer les notions d’exploration, de dynamique et de mouvement qui nous intéressent ?
- In fine, il s’agira de s’interroger sur la façon dont, dans ces œuvres, le déplacement est à comprendre comme un rapport au monde : on pourra alors explorer des récits relevant du nature writing et voir comment le déplacement et ses modalités concrètes (la marche, l’autobus, le train, l’autostop, etc.) permettent (ou non) d’entrer en contact avec l’autre mais surtout avec la nature. Selon un autre point de vue, on pourra également se pencher sur des pratiques littéraires à la frontière du genre, relevant de mises en récit de déambulations : en quoi celle-ci, par exemple au sein d’espaces urbains, à travers la modalité de la flânerie notamment, permet-elle de se saisir d’un lieu, et quel rôle joue l’écriture dans ce processus de ressaisie ?
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Les propositions de communication (3500 signes espaces comprises maximum), accompagnées d’une présentation bio-bibliographique, sont à faire parvenir à l’adresse suivante : festivaltransversales@gmail.com. Elles sont attendues pour le 9 septembre. La réponse du comité de sélection parviendra au plus tard le 3 octobre.
Responsables scientifiques :
Gaëlle Debeaux (CELLAM, université Rennes 2), Madelyn Lines (Université Rennes 2), Pauline Pilote (HCTI, université Bretagne Sud - Lorient)
[1] Blaise Cendrars, Le Sans-Nom
[2] Walt Whitman, « Song of the Open Road »